Le client-chroniqueur : quand le Téléphone Rose se transforme en salle de rédaction
« Allô ? Oui, bon, alors je vais tout te raconter… »
Il y a des clients qui cherchent l’intimité, d’autres le frisson, d’autres encore une voix douce pour les consoler. Et puis… il y a le client-chroniqueur.
Tu ne vois pas encore de qui on parle ? Attends un peu. Il finit toujours par arriver sur ta ligne un jour ou l’autre. C’est un spécimen bien connu dans notre univers. Une sorte de journaliste amateur des plateaux coquins, un conteur compulsif des coulisses du Téléphone Rose.
Avec lui, pas besoin de sexy, pas besoin d’imagination, pas besoin de scénarios… Il a déjà tout prévu. Il t’appelle pour te raconter ce qu’il s’est passé ailleurs, sur les autres services, avec les autres animatrices, sur les autres sites, forums, chats, plateformes, salons, SMS, réseaux. C’est un mix entre « Voici », « France Inter » et une conversation de vestiaire version adulte.
Ce qu’il aime, c’est raconter.
Et quand on dit raconter, on veut dire tout :
– Qui était en ligne à 3h du matin sur tel service.
– Quelle animatrice ne répondait pas comme il voulait.
– Qui l’a bloqué (injustice totale, bien sûr).
– Qui était “vraiment décevante” selon lui.
– Ce qu’il pense du nouveau planning.
– Ce qu’il a observé sur un autre site “mieux organisé, mais moins chaleureux”.
– Les techniques d’accueil « trop mécaniques » d’une telle.
– Les silences « trop longs » de telle autre.
Et toi, dans tout ça ?
Toi, tu n’as qu’à hocher mentalement la tête.
Un petit « Ah bon ? », un « Oui je vois », un « Oh la la », parfois même un simple soupir bien placé suffit. Il n’attend ni questions, ni relances. Il est dans son monologue intérieur en stéréo, et tu es là pour faire éponge.
Ce client ne te pose pratiquement jamais de questions. Il ne veut pas savoir qui tu es, ni comment tu t’appelles, ni ce que tu aimes. Ce qui compte pour lui, c’est de déposer son sac. Tu es son oreille de secours, sa boîte à archives. Il a besoin de témoins, pas de participantes.
Est-ce que c’est dérangeant ?
Pas forcément. C’est juste… étrange. On ne sait jamais trop comment se positionner. Ce n’est ni une relation intime, ni une interaction sensuelle, ni vraiment une conversation. C’est presque une chronique à sens unique. Tu fais un peu office de répondeur humain.
Et pourtant, il revient. Il te choisit, toi. Parce qu’il sait que tu ne vas pas le couper, que tu ne vas pas le juger, que tu vas juste l’écouter. Et parfois, ça lui suffit.
À toi de voir si tu veux le garder dans ton répertoire ou non.
Car ce genre de client, même s’il est inoffensif, peut être épuisant à la longue. Tu ne parles pas, tu n’existes pas, tu fais tapisserie. Et même si c’est calme, ce n’est pas très gratifiant.
Mais parfois, c’est l’occasion de se poser un peu, d’observer, de relativiser… et d’en rire ensuite entre collègues :
– « Alors, t’as eu le chroniqueur ? »
– « Oui, aujourd’hui il était en forme, 26 minutes non-stop sur le nouveau planning du service X. Un régal. »